Améliorer sa concentration grâce à la méditation
Beaucoup de personnes souhaitent améliorer leur concentration. De l’avis de nombreux pratiquants, méditer favorise l’atteinte de cet objectif. Mais est-ce vraiment prouvé scientifiquement ? Regardons de plus près ce qu’en disent les chercheurs.
De plus en plus d’études scientifiques confirment le lien existant entre méditation et augmentation de la capacité de concentration. Dans cet article, je décris les résultats d’études scientifiques récentes démontrant qu’il est possible d’améliorer sa concentration grâce à la méditation.
Types d’attention
Si vous souhaitez améliorer votre concentration, il convient d’abord de faire une distinction entre les différents types de concentration ou d’attention existants car ils ne se pratiquent pas tous de la même manière.
Attention sélective
Se concentrer sur un élément et ignorer les autres.
Vigilance
Maintenir un niveau constant d’attention au fil du temps.
Contrôle cognitif
Garder une tâche ou un but à l’esprit tout en évitant les distractions.
Conscience-méta
Être conscient du fait qu’on vit une expérience.
Types de méditation
Pour mieux comprendre les différents types de concentration, commençons par différencier deux aptitudes distinctes utilisées lors des pratiques méditatives.
La première est la capacité à centrer son attention sur un seul point, à s’y ancrer fermement – aptitude intitulée « dharana » dans la tradition du yoga. Il y a un mot anglais élégant qui décrit bien de quoi il s’agit : “Onepointedness”.
La seconde est la pleine conscience. Dans la pleine conscience, ou l’attention ouverte comme je préfère l’appeler, l’attention n’est pas centrée. On reste au contraire alerte à toutes les expériences et on adopte une posture sereine envers le va-et-vient de nos émotions et pensées. On observe sans jugements ou réactivité.
Ces aptitudes complémentaires se retrouvent à différents degrés dans toutes les formes de méditation. Parfois l’une domine, parfois l’autre. Ainsi, pour classer une technique de méditation, on peut s’imaginer un continuum avec la concentration ferme à une extrémité et l’attention ouverte à l’autre.
Ce qui est surprenant c’est qu’on peut améliorer sa concentration grâce à ces deux pratiques distinctes, mais de manière différente.
Attention sélective
De nombreuses études ont démontré que l’attention sélective est impactée positivement par la méditation. C’est le cas par exemple d’une étude de Catherine E. Kerr publiée en 2011 dans le journal scientifique « Brain Research Bulletin ». Elle a étudié un groupe de personnes ayant suivi un programme de méditation pleine conscience standardisé de 8 semaines: le MBSR.
L’étude MBSR
Ce programme inclut une séance collective hebdomadaire de 2h30, 1h de pratique individuelle journalière, la conscience du souffle, des scans corporels pour être conscient des sensations ressenties dans tout le corps, la pratique attentive de postures de yoga, la conscience des émotions et pensées qui traversent spontanément l’esprit et une journée de pratique intensive en fin de stage. Ces méthodes ont préalablement été simplifiées afin d’être accessibles aux grands débutants.
Le MBSR est très étudié pour plusieurs raisons : il est standardisé, s’adresse aux débutants et est dépourvu de tout ce qui pourrait être perçu comme mystérieux. Le MBSR est employé dans les hôpitaux, les universités et même les entreprises. C’est une méthode facilement accessible et pratique pour les chercheurs.
Madame Kerr a étudié la capacité des participants de se concentrer sur un tapotage sur les mains et les pieds. Elle a observé une nette amélioration au bout des 8 semaines.
L’étude Vipassana
Une autre étude respectant scrupuleusement les meilleurs standards scientifiques a examiné les résultats d’une retraite de méditation Vipassana de trois mois. Cette étude, menée par le chercheur Antoine Lutz, a été publiée dans le « Journal of Neuroscience » en 2009. Pendant cette retraite, les participants ont médité cinq heures par jour. En dehors des heures de pratique formelle, ils étaient aussi encouragés à demeurer pleinement conscients dans tous les autres actes du quotidien.
Au début et à la fin de la retraite, ils ont subi un test. On leur a demandé d’écouter des bips sonores et d’identifier ceux provenant de certaines fréquences. Avant la retraite, les résultats obtenus étaient les mêmes que ceux observés chez la population générale, mais après une progression collective de 20 % a été constatée.
D’après moi, pour améliorer la qualité de l’attention sélective, mieux vaut s’entraîner en pratiquant des techniques qui favorisent la concentration de l’attention sur un seul point, le dharana. Tratak, une technique de concentration fréquemment utilisée dans notre tradition, est particulièrement efficace, comme le sont aussi d’autres méthodes – la conscience du souffle et le nada yoga par exemple.
Vigilance
La vigilance est définie comme la capacité de maintenir un niveau constant d’attention au fil du temps. Elle dépend de plusieurs facteurs.
L’habituation filtre les expériences
La première étude scientifique qui a établi un lien entre la méditation et la concentration a été effectuée au Japon dans les années soixante. Elle s’est appuyée sur une expérience de grande renommée menée sur des moines dans un dojo zen.
Deux chercheurs japonais, Kasamatsu et Hirai, ont enregistré à l’aide d’un électroencéphalographe l’activité cérébrale des moines durant une méditation. Pendant qu’ils méditaient, ils leur ont fait entendre une série de sons monotones. Rien de notable n’a été observé dans la plupart des électroencéphalogrammes. Seuls ceux des 3 moines de niveau plus avancé ont mis en évidence un élément important: leur cerveau a réagi autant au vingtième son qu’au premier.
Normalement le cerveau s’occupe de moins en moins d’un son répétitif insignifiant. Ce phénomène s’appelle habituation. L’habituation nous permet d’économiser de l’énergie puisque cela nous évite de traiter des informations sans importance. Mais cela rend en même temps la vie un peu terne.
Pour certaines professions requérant un haut niveau de vigilance, l’habituation est un véritable problème. C’est par exemple le cas pour les opérateurs de radars qui surveillent un ciel où rien d’inhabituel ne se passe la plupart du temps, ou pour les agents de sécurité des centrales nucléaires.
Depuis cette première étude qui a ouvert les yeux de la communauté scientifique, d’autres ont suivi et ont confirmé que la méditation diminue l’habituation. Celle portant sur une retraite Vipassana de trois mois effectuée par les chercheurs Clifford Saron et Allan Wallace par exemple. Les participants ont gagné en vigilance, principalement durant le premier mois. Cette vigilance accrue a persisté cinq mois encore après la retraite.
Les réactions émotionnelles empêchent la vigilance
Les réactions émotionnelles nous influencent, souvent plus qu’on ne le souhaiterait. Sur le plan physique, c’est la glande amygdale qui en est responsable. Lorsqu’une forte réaction émotionnelle est déclenchée, l’amygdale prend le contrôle des fonctions exécutives, ce qui entraîne souvent une réponse émotionnelle accablante. Ce n’est qu’ultérieurement que nous nous rendons compte du caractère inapproprié et excessif de cette réponse par rapport à l’élément déclencheur.
Vivre un choc émotionnel peut aussi nous paralyser mentalement et accaparer toute notre attention. La recherche a démontré que la méditation régulière calme l’amygdale et nous aide à maintenir attention et maîtrise même dans des situations chargées d’énergie émotionnelle.
Le clignement attentionnel supprime temporairement la concentration
Il y a un aspect de la concentration qui s’appelle le clignement attentionnel. Lors d’une expérience auprès d’un groupe de personnes, des chercheurs ont fait défiler très rapidement des lettres sur un écran. Chaque lettre était visible durant 50 millisecondes, à un rythme de 10 lettres par seconde. Les participants étaient avertis que deux chiffres apparaîtraient de façon aléatoire dans chaque série de lettres.
Après chaque série d’une quinzaine de lettres, on demandait aux participants s’ils avaient aperçu les chiffres. La plupart d’entre eux n’avaient vu que le premier. En raison de la satisfaction qu’on éprouve en réussissant à apercevoir le premier chiffre, la perception du second, lorsqu’il est trop rapproché du premier, nous échappe. C’est ce qu’on appelle le clignement attentionnel.
Les chercheurs qui ont étudié ce phénomène croyaient encore, il y a peu, que c’était inévitable. Mais on sait maintenant que la méditation peut le réduire en cultivant une attention continue non réactive.
Le chercheur Richard J. Davidsson a mesuré le clignement attentionnel chez les personnes ayant participé à la retraite Vipassana mentionnée plus haut. De la même façon que l’attention sélective s’est améliorée, le clignement attentionnel a lui aussi diminué de 20%. L’amélioration s’explique par la diminution des réactions liées à la satisfaction d’avoir vu le premier chiffre.
Ce phénomène perceptif s’aggrave normalement avec l’âge. D’autres études ont toutefois démontré que les personnes pratiquant régulièrement la méditation d’attention ouverte parviennent à neutraliser ce processus d’aggravation. Elles peuvent même obtenir de meilleurs résultats qu’un groupe constitué de personnes plus jeunes.
Des chercheurs hollandais dirigés par Lorenzo S. Colzato ont tenté de définir le nombre d’heures minimum de méditation nécessaire pour observer des effets bénéfiques sur le clignement attentionnel. 17 minutes de pratique de la méditation pleine conscience suffiraient. Par contre, la pratique de méthodes basées sur la concentration n’a démontré aucun effet bénéfique mesurable.
Contrôle cognitif
Le contrôle cognitif est la capacité de garder une tâche ou un but à l’esprit tout en évitant de se laisser distraire. Pour y parvenir, il est crucial de savoir résister aux distractions que le mental peut aisément être amené à suivre. Effectivement, à chaque fois que l’attention se détourne de sa tâche, il lui faut un certain temps avant de s’y remettre.
On ne peut faire qu’une chose à la fois
A l’époque d’internet, des médias et réseaux sociaux nous encourons potentiellement tous le risque de voir se réduire notre capacité de résistance aux distractions. Mais, de nombreuses personnes s’enorgueillissent de savoir exécuter plusieurs tâches simultanément. Elles pensent ainsi gagner en efficacité. Pourtant, on sait désormais que les personnes qui jonglent avec plusieurs tâches en même temps laissent beaucoup plus facilement leur esprit vagabonder et se détourner de l’objectif fixé. Elles ont pris l’habitude de se laisser distraire et de suivre les tentations.
Les différentes tâches cognitives ne se déroulent pas parallèlement. Il faut au contraire rapidement passer de l’une à l’autre. À chaque changement de tâche, la puissance de la concentration diminue. Retrouver une puissance optimale peut prendre quelques minutes.
Un côntrole cognitive faible peut être amélioré
Cette mauvaise habitude influence le reste de la vie. De l’incapacité de filtrer ce qui est important de ce qui ne l’est pas naît la confusion. Lorsqu’une personne qui a l’habitude d’exécuter plusieurs tâches en même temps essaie de ne se concentrer que sur une seule, son cerveau active plus de ressources que nécessaire. Ceci est un marqueur physique de distraction.
De nombreuses études démontrent qu’on peut améliorer le contrôle cognitif grâce à la méditation. Je trouve que certaines méditations recourent particulièrement bien à cet aspect de l’attention. Il s’agit de celles où il faut garder à l’esprit des visualisations complexes ou des pensées bien définies. Dans la version classique de la méditation Antar Mauna, nous mettons en oeuvre, entre autres, cette méthode.
Mémoire de travail
Le mémoire de travail est liée à la concentration. Afin de se concentrer sur une tâche complexe ou d’acquérir des nouvelles connaissances, il est essentiel de pouvoir stocker de l’information à utiliser ultérieurement. Des études ont établi que la méditation pleine conscience améliore la mémoire de travail. C’est le cas, par exemple, de celle de Michael D. Mrazek publiée en 2013 dans la revue « Psychological Science ».
Mrazek a effectuée son étude sur des étudiants à l’université. Leur attention et leur mémoire ont été tellement boostées qu’ils ont augmenté de 30% leur score à un test d’admission pour l’éducation supérieure.
Conscience-méta
La conscience méta est la capacité de rester ancré en soi-même en adoptant la position de témoin. Se positionner comme observateur implique de rester conscient du fait qu’on est conscient, quelles que soient les formes et couleurs que prennent les expériences qui traversent l’esprit. On observe les pensées et les émotions sans s’identifier à elles.
La conscience-méta permet d’observer où part l’attention sans pour autant se laisser emporter par les distractions mentales. Elle nous met face à un choix: rester avec la pensée ou l’idée qui survient ou revenir à sa tâche. Cette simple capacité est fondamentale pour fonctionner correctement.
Les chercheurs ont également été capables de mesurer cet aspect de la concentration. Sans surprise, la méditation joue de nouveau un rôle bénéfique puisqu’elle permet de l’améliorer.
Concrètement, comment améliorer sa concentration ?
Toutes les études scientifiques dont j’ai parlé dans cet article convergent : la méditation permet de développer la concentration. Mais pour bénéficier des effets de cette pratique, il faut bien évidemment s’y mettre et persévérer, poursuivre ses efforts dans le temps.
Ces études démontrent que plus on pratique, plus les résultats obtenus sont bons. Les meilleurs résultats ont d’ailleurs été observés durant des périodes de pratique intense, comme c’est par exemple le cas lors de retraites où les conditions sont particulièrement propices. Par contre, pour maintenir les bienfaits, il est indispensable de pratiquer régulièrement sur la durée.
Durant la phase d’apprentissage, il est utile d’être accompagné par un professeur qualifié. Cependant, si cela n’est pas possible, il existe aujourd’hui de bonnes options d’auto-apprentissage, avec des livres, des enregistrements ou en ligne. Quel que soit le moyen d’apprentissage pour lequel vous optez, choisissez un guide expérimenté. Ces techniques sont simples mais un guide qualifié vaut de l’or si l’on souhaite les découvrir en profondeur, éviter les erreurs et rester inspiré.
La méditation est très utile pour améliorer sa concentration, mais une approche globale est nécessaire
Améliorer sa concentration est un travail sur le long terme. La méditation devrait en être un des composants clés. Pratiquer la méditation pour parvenir à mieux se concentrer c’est un peu comme se muscler pour être plus performant lors d’une pratique sportive. Mais il faut aussi savoir utiliser sa force mentale de manière intelligente et prendre de bonnes habitudes dans sa vie quotidienne.
Pour renforcer son attention, il convient d’éviter les activités qui nuisent à l’atteinte de cet objectif, comme faire plusieurs choses en même temps par exemple. Il convient aussi de prendre de bonnes habitudes relatives au coucher et au sommeil, de manger de façon saine et équilibrée, d’avoir une activité sportive régulière et de s’accorder suffisamment de pauses lors d’un travail intellectuel.
Cet article sur WikiHow donne de bonnes pistes pour coupler la méditation avec d’autres approches afin de cultiver une concentration de fer.
En savoir plus
Pour écrire cet article, je me suis appuyé sur le livre « Altered Traits » de Daniel Goleman et Richard J. Davidson paru en 2017 qui fait le bilan de la recherche sur la méditation.
Remerciements :
Elisabeth De Araujo, pour la relecture.
Rencontrez votre auteur
Christian Möllenhoff
Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.