Tous les articles >>>

Prana et pranayama

Prana circulant dans une main

Bien que les postures soient presque devenues synonymes avec le hatha yoga, le hatha yoga ne commence réellement qu’avec le pranayama. Pourtant, le pranayama reste une inconnue pour la plupart des pratiquants. De nombreux professeurs ne le pratiquent pas eux-mêmes, et peu l’enseignent, parfois par peur de ses effets. Dans les écoles où le pranayama est enseigné, il n’en mérite souvent même pas le nom, tant c’est d’une manière rapide et superficielle.

Dans le système de yoga que nous enseignons à Yoga & Méditation Paris, le pranayama est crucial, et s’apprend dès les premiers cours.

Souffle, ou force de vie

Le pranayama est souvent traduit comme une pratique respiratoire. Mais cette traduction est maladroite : la signification du mot sanskrit dépasse largement la dimension physique.

Pranayama se compose de deux mots, “prana” et “yama”. La première partie du mot, “prana“, désigne la puissance vitale, la force qui soutient la vie dans le monde physique. Cette force de vie coule comme un sang subtil dans des vaisseaux appelés nadis. Ces nadis sont les mêmes vaisseaux que les méridiens de la médecine chinoise, stimulés par des aiguilles en acuponcture.

Dans la littérature yogique, le prana est décrit comme de l’air fin, et la respiration propulse son mouvement. En effet, la respiration n’existe pas uniquement sur le plan physique : elle se manifeste également dans la dimension psychique sous-jacente. Nous respirons de l’air avec nos poumons, et nous respirons le prana avec notre corps subtil.

Pour que le corps fonctionne, le prana est nécessaire. Des blocages dans le réseau de nadis ont pour conséquence des lourdeurs, voire des maux et maladies. Le prana est également important dans le fonctionnement de l’esprit : lorsque le prana est bloqué ou inerte, l’intellect stagne, perdant son potentiel créatif.

Maîtriser la force vitale

La seconde partie du mot, “yama”, signifie maîtriser ou contrôler. Selon la manière dont le mot est décomposé, il peut aussi se traduire par prolonger, ou augmenter.

Ainsi, le pranayama est une famille de techniques qui influence le prana par le biais de la respiration. Il s’agit de s’assurer que les nadis sont ouverts et d’apprivoiser le prana, afin qu’il circule librement et abondamment. On utilise ainsi la rétention du souffle, et une respiration lente et équilibrée.

Dans la littérature médiévale sur le hatha yoga, on trouve des descriptions d’une respiration tellement lente que c’en est presque incroyable. Dans la Gheranda Samhita, un exercice réputé, nadi shodana, ou respiration alternée, est expliqué, décrivant qu’une seule respiration peut durer jusqu’à sept minutes. Atteindre ce niveau en pranayama réclame un engagement immense et beaucoup de patience ; le résultat d’une telle pratique est extraordinaire. Néanmoins, lorsqu’il est pratiqué correctement, même au niveau le plus basique, le pranayama porte ses fruits.

Nadi-Shodan-CM_HD
Nadi Shodana Pranayama

Les pranayamas les plus importants

Il y a de nombreux pranayamas, et la plupart d’entre eux sont effectués en conjonction avec des loquets énergétiques et des attitudes (bandhas et mudras). Certains travaillent avec une hyperventilation initiale pour atteindre une rétention spécifique. D’autres utilisent l’inspiration et l’expiration sur un mode précis, et dans d’autres encore on se concentre sur des déclencheurs psychiques importantes. Les deux pranayamas les plus importants sont la respiration alternée, ou nadi shodana, mentionnée ci-dessus, et, très différente, une technique appelée la respiration psychique, ou ujjayi pranayama.

La respiration alternée purifie les vaisseaux praniques. Dans cette pratique, on respire lentement et alternativement par la narine droite et la narine gauche. Les étapes plus avancées mènent à une rétention du souffle après l’inspiration et, parfois, après l’expiration également. A ce stade, le pratiquant compte afin de suivre un rythme proportionnel entre chaque partie de la respiration. Même des débutants peuvent, sans trop de difficulté, bénéficier d’une pratique basique de nadi shodana. Cependant, il faut plusieurs mois, voire plusieurs années de pratique, pour être à l’aise avec les versions avancées.

Le pranayama ujjayi est une technique qui amène doucement l’esprit vers un état méditatif profond, où une réjuvénation puissante peut avoir lieu. Un chuchotement doux est créé dans la gorge pour prolonger la respiration, et la rendre fluide et équilibrée. Dans les pratiques corporelles basées sur des asanas dynamiques, ujjayi est souvent synchronisé avec les mouvements pour augmenter la température interne. Mais dans le hatha yoga traditionnel, ujjayi est une pratique méditative, une clé permettant d’accéder aux profondeurs de l’esprit.

Uddiyana_HD
Retention du souffle avec uddiyana bandha

Que se passe-t’il lorsqu’on fait du pranayama

Lorsqu’on commence, il est difficile de ralentir la respiration. Physiquement, des inhibitions dans le prana sont reliées à des tensions du système nerveux. Lorsqu’on s’occupe de ces tensions avec le pranayama, il est possible de les confronter, et de se libérer ainsi de nos schémas comportementaux créés par le stress, la dépression ou par d’autres états.

Mentalement et émotionnellement, les blocages du prana restent en place à cause d’un refoulement de l’anxiété et de la peur. Lorsqu’on retient notre respiration, ou qu’on la ralentit volontairement, ces peurs deviennent conscientes, ainsi que la manière dont elles résonnent sur nos pensées et nos émotions. Lorsqu’on plonge encore plus profondément dans le ralentissement du souffle, des peurs existentielles, aformes, remontent à la surface. A chaque fois qu’une peur est confrontée et dépassée, le prana qui lui était lié redevient disponible.

Lorsque les nadis majeurs sont équilibrés et libérés de toute résistance, le courant pranic change. Un canal énergétique important, qui se trouve dans la colonne vertébral et traverse les centres psychiques majeurs, ou chakras, s’active. Lorsqu’on atteint cet état, le niveau d’énergie dans les chakras est augmenté, amenant de la clarté, de la vitalité et un contentement profond. La plupart du temps, cette croissance énergétique est subtile et graduelle. Mais parfois, quelques personnes vivent une brusque montée intense. Dans le yoga, une telle montée d’énergie est perçue comme chanceuse et désirable.

Le pranayama en pratique

Le pranayama est un projet sur le long terme, qui peut évoluer au cours d’une vie toute entière. Il a sa place dès les premiers pas d’une pratique du yoga et de la méditation. Mais pour en bénéficier au mieux, il faut le pratiquer régulièrement. Une fois par semaine, lors d’un cours hebdomadaire, est un bon début. Une pratique quotidienne est bien sûr encore mieux. Les pratiquants très avancés lui réserve souvent plusieurs créneaux chaque jour. Avec de la régularité et en respectant les indications de base, on fait rapidement du progrès.

Le pranayama stabilise les effets des postures et prépare l’esprit à entrer en méditation profonde. Ainsi, le pranayama devrait être pratiqué après les asanas et avant la méditation. Le pranayama est également une excellente préparation au yoga nidra, et aux exercices de concentration comme tratak. Idéalement, il se pratique le matin tôt.

Par une pratique régulière, les effets du pranayama se ressentent dans la vie quotidienne. Pendant une période d’immersion, comme une retraite ou un stage intensif, des effets plus subtils peuvent être révélés. Avec un peu de patience et de la persistance, vous pourriez également découvrir pourquoi la respiration est votre meilleure amie pour toujours.

Remerciements :
Deborah Cukierman, pour la traduction.

Cet article vous a-t-il été utile ?
OuiNon

Christian Möllenhoff professeur de yoga et e méditation
Rencontrez votre auteur

Christian Möllenhoff

Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.