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Pratyahara – Guide complet à l’équanimité

Pratyahara en image

Vivre à l’ère du numérique, c’est souvent être submergé par un flot constant d’informations et d’influences. Mais qu’en serait-il si vous pouviez vous détacher de toute distraction ? Découvrez pratyahara.

Pratyahara est souvent traduit par « retrait des sens ». Cette pratique vise à détacher votre attention des stimuli, extérieurs ou intérieurs, et à accéder à la concentration véritable. Vous pouvez ainsi atteindre l’état d’équanimité nécessaire pour des méditations plus profondes.

Lisez cet article rempli de techniques et d’exemples pour comprendre pratyahara et mettre en œuvre ce formidable outil dès aujourd’hui. Vous pourrez alors expérimenter la sérénité en toute situation.

Qu’est-ce que pratyahara

Commençons par étudier ce que le terme pratyahara signifie précisément.

Définitions de pratyahara

Le terme « pratyahara » est dérivé du sanskrit et est composé de deux racines : « prati » et « ahara ». Dans ce contexte, « prati » signifie « loin de » ou « contre », et « ahara » signifie « nourriture » ou, plus largement, « tout ce que nous prenons de l’extérieur ». Ainsi, pratyahara  peut être grossièrement traduit par « retrait » ou « recul » par rapport aux stimuli.

Mon maître de yoga, Swami Janakananda, disait que pratyahara est l’art d’obtenir une relation détendue envers les influences. Et je trouve que c’est une définition plus facile à comprendre. Il s’agit d’être capable de vivre toute influence avec équanimité.

Pratyahara dans les Yoga Sutras 

Le mot pratyahara a été utilisé pour la première fois à l’écrit dans les Yoga Sutras de Patanjali (2e-4e siècle ap. J.-C.). Cependant, le concept en tant que tel est présent dans des écritures encore plus anciennes. 

Patanjali propose une approche au yoga philosophique et intellectuel axée sur la méditation concentrative. Son système comprend huit étapes ou membres.

Les premiers membres sont constitués de pratiques externes.

Pratiques Externes (Bahiranga Sadhana)

  • Yama (disciplines éthiques)
  • Niyama (observances)
  • Asana (être assis dans une posture de méditation)
  • Pranayama (contrôle du souffle)

Les trois derniers membres sont internes.

Pratiques Internes (Antaranga Sadhana)

  • Dharana (concentration)
  • Dhyana (méditation)
  • Samadhi (méditation profonde)

Les pratiques externes sont des stratégies pour s’apprêter à la concentration et à la méditation qui sont les pratiques directes. Selon Patanjali, pratyahara se situe à l’intersection de ces deux ensembles de pratiques, agissant comme un pont entre eux. Pratyahara est ainsi le début de l’approfondissement.

Pratyahara en hatha yoga

Bien que les yogas sutras soient un texte célèbre, le yoga de Patanjali n’a que peu à voir avec le yoga moderne qui a été inspiré par un courant tout à fait différent : le hatha yoga médiéval. Dans le hatha yoga, pratyahara joue un rôle similaire.

Selon les différentes traditions du hatha yoga, la classification des étapes diffère. Dans  notre tradition, celle du yoga Satyananda, les étapes sont les suivantes :


Pratiques indirectes

  • Shat karma (processus de purification)
  • Asana (postures de yoga)
  • Pranayama (exercices de respiration)
  • Mudra et bandha (verrouillages et attitudes énergétiques)

Pont

  • Pratyahara

Pratiques directes

  • Dharana (concentration)
  • Dhyana (méditation)
  • Samadhi (méditation profonde)

Les pratiques au-dessus de pratyahara sont dites indirectes, les pratiques en dessous, directes. Pour les méthodes indirectes, vous utilisez votre corps pour modifier votre état de conscience. Pour les méthodes directes, vous engagez directement votre mental.

Femme pratiquant pratyahara durant une méditation.

Pourquoi pratyahara est important

Vous avez compris que cette méthode est cruciale dans le yoga. Examinons pourquoi.

Pratyahara et équanimité

Sans une relation détendue envers les influences, que ce soit des impressions sensorielles, des émotions, ou des pensées, la concentration et la méditation vont être compliquées. En effet, sans pratyahara, chaque influence va créer une réaction et un positionnement actif envers l’influence. Il faut savoir qu’un des prérequis pour la méditation est justement une attitude passive.

Pratyahara est profondément liée aux concepts de raga (attachement) et dwesha (aversion). Ces deux états émotionnels dictent souvent nos expériences sensorielles et régissent notre interaction avec le monde extérieur.

Pratyahara sert de pratique pour retirer les sens et réduire les tendances de l’esprit à s’accrocher aux goûts (raga) et aux dégoûts (dwesha). En maîtrisant pratyahara, vous pouvez atteindre un état d’équanimité où ni l’attachement ni l’aversion n’affectent votre état d’esprit.

Pratyahara en tant que pont


Bien que les techniques de méditation soient très simples en théorie, toute personne ayant essayé sait à quel point cela peut être difficile et frustrant.

C’est pourquoi il est important de bien se préparer avant d’entamer la méditation. Le fameux texte sanskrit Hatha Yoga Pradipika stipule que le hatha yoga est l’échelle vers la méditation (raja yoga). Grâce aux techniques indirectes comme les postures et les exercices de respiration par exemple, pratyahara devient beaucoup plus facile. C’est pour cette raison que l’on dit que c’est le pont entre les techniques indirectes et les techniques directes.

Comment induire pratyahara : Exemples de techniques

Voici un aperçu des principales méthodes pour atteindre le pratyahara. Notez que ces techniques sont interdépendantes et qu’il peut exister un chevauchement entre elles.

1. Prendre conscience des trois éléments de l’expérience

Lorsque vous vivez une expérience, trois éléments clés sont en jeu :

  1. Le stimulus
  2. Votre réaction face à ce stimulus
  3. La faculté qui vit l’expérience

En général, nous avons tendance à tout mélanger, considérant la réaction provoquée par le stimulus comme faisant intrinsèquement partie de ce dernier. En prenant du recul pour observer ces deux phénomènes comme étant distincts, tout en restant ancré en vous-même en tant qu’observateur, vous pouvez induire le pratyahara.

Exemple :

Vous sentez une odeur que vous trouvez désagréable. En prenant conscience du fait que votre aversion est indépendante de l’odeur, et que ne l’odeur ni la réaction fait partie de vous, vous pouvez surmonter l’expérience.

2. Confronter

Parfois, nous sommes confrontés à des expériences que nous préférerions éviter. Le désir d’échapper à une pensée, à une émotion, ou à une situation peut être si intense que nous consacrons une énergie considérable à les tenir à distance. Alors, la relation envers l’expérience n’est absolument pas détendue. Au contraire, une tension se crée et s’intensifie à mesure que nous redoublons d’efforts pour y échapper.

Cesser de chercher à échapper à une situation et plutôt diriger notre attention vers elle peut être éminemment libérateur. C’est au moment où vous décidez de confronter ce qui vous dérange que pratyahara prend place.

Exemple 1 :

Certains pensent qu’il est nécessaire d’être dans un endroit silencieux pour méditer. Mais lors de la méditation antar mauna, qui est l’une des méditations principales que nous enseignons chez Yoga & Méditation Paris, la première étape consiste justement à être conscient des sons et des bruits autour de nous. Il est tout à fait possible de pratiquer dans un endroit bruyant. Grâce à pratyahara et une relation détendue envers les bruits, vous pouvez les employer comme base pour votre méditation.

Exemple 2 :

Au début de ma vingtaine, je n’étais pas très stable mentalement. Je me suis alors mis à pratiquer le yoga et la méditation. Cela m’a tout de suite aidé mais un problème grave persistait. J’avais la sensation d’être sur le point de devenir fou.

Cette idée, très tenace en moi, était associée à une émotion que j’interprétais comme le début de la folie. J’ai alors tout fait pour garder à distance cette émotion et cette pensée. Mais plus j’essayais, plus cela me demandait de l’énergie. 


Un jour, une personne qui m’accompagnait sur le plan psychologique, m’a suggéré de lui décrire la sensation. J’ai fermé les yeux, je me suis incliné en arrière dans mon fauteuil, et, pour la première fois, j’ai dirigé mon attention vers ce que j’avais jusqu’à maintenant essayé de fuir.

Lorsque j’ai enfin ressenti cette sensation, ma respiration est devenue plus lente et plus profonde. J’ai ressenti comme une libération d’énergie. J’ai très vite découvert que cette sensation qui m’avait tourmenté pendant des mois n’était en fait qu’une idée. La sensation avait disparu pour ne plus jamais revenir. Et pendant plusieurs jours après, j’avais un surplus d’énergie remarquable. 

Homme pratiquant pratyahara.

3. Accepter

Une méthode efficace pour faire la paix avec un élément que vous tentez d’éviter est de l’accepter. Par exemple, lors d’une séance de méditation, il se peut que vous ressentiez de l’inconfort ou même des douleurs au bout d’un certain temps. Accepter ces sensations peut radicalement transformer votre relation à l’inconfort.

Toutefois, pour que cette acceptation soit efficace, elle doit être sincère et s’effectuer à un niveau profond. Si vous souhaitez que l’expérience cesse après votre soi-disant “acceptation”, cela ne marchera pas.

Exemple 1 :

Lors de ma première retraite de yoga, il y avait un autre participant qui avait déjà assisté à une retraite longue où il était exigé de rester immobile pendant de longues méditations. Lors de l’une de ces sessions, il a particulièrement souffert. La douleur dans ses jambes prenait toute son attention.

A ce moment, il se rappela de pratyahara. Il se dit que comme la douleur n’allait de toute façon pas disparaître, il valait mieux l’accepter. Et d’un coup, la douleur disparut. En même temps, il vécut une importante libération d’énergie et sa méditation devint considérablement plus profonde. 

Exemple 2 :

Lorsque je venais de commencer le yoga, j’étais déterminé. Pour les pranayamas, je pratiquais toujours à la limite de ma capacité. Un jour, en faisant nadi shodhana, je me suis rendu compte que le rythme des souffles que j’avais tenté était bien en dehors de ma zone de confort. Les longues rétentions et les inspirations et expirations très lentes que je pratiquais provoquèrent un sérieux inconfort en moi. 

Pourtant, j’ai continué ma pratique tout en permettant l’inconfort. Lorsque je pensais ne plus pouvoir tenir, il se passa quelque chose. Ma perception changea. L’inconfort devint un objet que je pouvais voir. Un objet qui n’avait rien à voir avec moi. J’ai pu l’observer en toute sérénité et j’ai tranquillement terminé ma pratique au rythme que j’avais décidé au départ. 

4. Epuiser l’expérience

Si vous avez du mal à accepter une expérience difficile, une autre option est de l’épuiser. En dirigeant constamment votre attention vers cette expérience, elle perdra graduellement de son pouvoir d’attraction sur vous. La tension entre elle et vous finira par s’apaiser.

5. Déprivation sensorielle

Une façon artificielle d’induire pratyahara consiste à se priver de sollicitations sensorielles. Cette démarche peut être réalisée dans une cuve d’isolation sensorielle par exemple. Il s’agit généralement d’une cuve hermétique, dépourvue de son et de lumière, où l’on se laisse flotter dans de l’eau à la température du corps. Une alternative peut être de s’isoler dans un lieu totalement obscur pendant plusieurs jours, voire semaines.

Dans ces conditions de privation sensorielle, l’expérience spontanée du pratyahara devient plus accessible.

Les bienfaits de pratyahara


Les bienfaits de pratyahara sont vastes. Voici les principaux.

Donne de la fluidité dans la vie quotidienne

Savoir gérer des situations compliquées sans réagir peut être très utile dans la vie de tous les jours. L’équanimité obtenue grâce à la pratique de pratyahara peut nous aider à faire cela notamment et à agir plus intelligemment. La puissance de pratyahara peut rendre notre vie plus fluide. 

Eckhart Tolle a écrit dans son livre “Le Pouvoir du Moment Présent” que face à une situation qui nous déplaît, nous avons trois options. La première est intrinsèquement liée à  pratyahara.

  1. Accepter la situation
  2. Quitter la situation
  3. Changer la situation

Facilite la méditation

La méditation commence par pratyahara. Rappelez-vous la notion de pont dont j’ai parlé plus haut. Avant de maîtriser et comprendre pratyahara, méditer peut être une véritable bataille.

Aide à gérer la douleur

Grâce à la technique de pratyahara, vous pouvez apprendre à accepter la douleur et ainsi à mieux la supporter. La douleur, qu’elle soit physique ou émotionnelle, fait partie de la vie. Pratyahara peut vous aider à la vivre sans trop y résister et ainsi à moins souffrir. Voir la partie plus bas que j’ai écrite à ce sujet.

Améliore la concentration

En retirant vos sens des distractions, qu’elles soient externes ou internes, pratyahara vous permet de canaliser votre attention de manière plus efficace. Ceci favorise un état de concentration plus profond et rend plus facile la focalisation durant toute tâche.

Défis et solutions communs

Voici quelques-uns des principaux obstacles à la pratique de pratyahara, que j’ai pu observer en tant que guide.

Agitation

Il y a une raison pour laquelle pratyahara n’est pas la première étape. Retirer votre intérêt des stimuli qui peuvent être très captivants n’est pas si simple. Que ce soit dans le yoga de Patanjali ou dans le hatha yoga, pratyahara est précédé d’une série complète de pratiques. D’ailleurs, c’est exactement ce que nous faisons chez Yoga & Méditation Paris : nos cours de yoga commencent par des postures et des exercices de respiration et se prolongent par la relaxation profonde yoga nidra. Nous plaçons la méditation à la fin de nos cours, rendant ainsi pratyahara beaucoup plus aisé.

Résistance

Vous pouvez rencontrer une forte résistance intellectuelle au pratyahara. Vous pouvez par exemple considérer une expérience comme inacceptable, injustifiée, ou considérer qu’elle vous définit. Lorsque vous vous identifiez à une influence, pratyahara devient difficile.

Vous pourriez également penser qu’il est inapproprié de rester neutre face à certaines expériences, comme la douleur physique ou émotionnelle. Une telle attitude peut être un obstacle au pratyahara.

Douleur et pratyahara

Un cas d’utilisation typique de pratyahara concerne la gestion de la douleur pendant la méditation. La douleur est souvent inhérente aux longues sessions de méditation et savoir comment la gérer est crucial. Pratyahara offre une excellente méthode pour cesser de résister à la douleur et pouvoir, au contraire, approfondir vos méditations.

Au cours de ma carrière d’enseignant de yoga et de méditation, j’ai entendu de nombreux témoignages sur la manière dont pratyahara a permis de surmonter radicalement la douleur. Aussi incroyable que cela puisse paraître, une douleur initialement insupportable peut complètement disparaître si vous l’acceptez totalement.

Cependant, il est de votre responsabilité de faire preuve de discernement lors de l’utilisation de pratyahara pour gérer la douleur. Si vous savez que vous avez une blessure exacerbée par votre position assise, il serait imprudent de l’ignorer. De même, si la douleur persiste après la session, il est également conseillé de rester vigilant.

Exemple :

Pendant ma formation de professeur de yoga, j’avais un ami qui avait eu un grave accident de moto. Il avait été hospitalisé pendant plusieurs mois. Il avait des douleurs en permanence et n’avait que peu d’espoir de s’en débarrasser un jour. Grâce à pratyahara, il a pu changer son attitude envers ses douleurs. Elles le dérangeaient ensuite beaucoup moins.

Mon expérience personnelle avec pratyahara 

Pour terminer, je voudrais partager mon expérience personnelle avec pratyahara en tant que pratiquant et comme guide.

Je trouve que pratyahara est un outil précieux. Je l’ai utilisé avec succès pour gérer des pensées, des états émotionnels, des douleurs, ainsi que des influences externes. Pratyahara m’aide toujours à rester centré face à une influence à laquelle je résiste. Pratyahara m’a aussi aidé à surmonter de véritables défis. J’ai vécu plusieurs fois la transformation instantanée d’expériences envahissantes et difficiles à gérer.

Pratyahara est toujours une aide, parfois spectaculaire. Mais son efficacité à un instant donné va dépendre de mon état, de ma motivation, et de ma dévotion. Il faut redécouvrir pratyahara à chaque fois. Le fait d’avoir réussi dans le passé avec cette technique ne donne pas forcément d’avantages.

À retenir

  • Pratyahara est une étape avancée dans la pratique du yoga et de la méditation, et qui devient plus accessible avec une préparation appropriée.
  • Il est possible de rencontrer de la résistance, intellectuelle ou émotionnelle, lors de la pratique de pratyahara.
  • Pratyahara peut être un outil très efficace pour gérer divers types d’influences, y compris la douleur et les états émotionnels difficiles.
  • L’efficacité de pratyahara peut varier en fonction de votre état d’esprit et de votre niveau de concentration à un moment donné.

Remerciements :
Romain Di Pace, pour la relecture.

Carsten Crone Caroc, pour l’image de mise en avant.

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Christian Möllenhoff professeur de yoga et e méditation
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Christian Möllenhoff

Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.