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Les chakras sont-ils réels ou imaginaires ?

Vishuddi chakra par Mona Bessaa

Les chakras sont parmi les concepts les plus célèbres du yoga. Cependant, une grande partie des idées que les gens ont sur les chakras ne provient pas des traditions anciennes, mais plutôt de la spiritualité occidentale du 20e siècle. En tant que pratiquant et enseignant en yoga, cela m’intéresse de savoir dans quelle mesure les chakras sont réels et dans quelle mesure nous les avons inventés. 

En écrivant cet article, j’ai souhaité comprendre comment les yogis contemporains vivaient l’expérience des chakras et comment d’autres traditions spirituelles s’y rapportaient. Si cela vous intéresse également, vous êtes au bon endroit.

Les chakras étaient à l’origine des schémas de méditation

Les textes en sanskrit sur le yoga décrivent les chakras comme des schémas de méditation. Les anciens yogis visualisaient les chakras pour se connecter avec le système d’énergie subtile qui se trouve au-delà du corps physique. Ce sont des repères pour élever la conscience plutôt que quelque chose qui existe dans le corps physique ou même dans la dimension énergétique.

Ainsi, dans les plus anciennes sources tantriques, les chakras sont des visualisations. Ces textes source ne traitent pas les chakras en eux-mêmes comme réels. Cependant, la visualisation des chakras vise à influencer les dimensions subtiles qui sont au-delà du monde physique. Ces dimensions subtiles, en revanche, sont considérées comme réelles.

Si les chakras avaient été là pour décrire une anatomie subtile précise, on aurait pu s’attendre à ce que les différentes traditions de yoga aient une compréhension similaire de l’emplacement des chakras et de leur nombre. Or, ce n’est pas le cas.

Le système des sept chakras qui prévaut aujourd’hui n’en est qu’un parmi d’autres. Certains textes anciens sur le yoga ne mentionnent que quelques chakras, tandis que d’autres en décrivent plus d’une douzaine. Certaines traditions de yoga ne parlent même pas du tout des chakras.

Le texte Viveka Martanda (XIIIème siècle) fait référence aux chakras comme des « lieux de méditation ».

«  »Le pénis, l’anus, le nombril, le cœur et au-dessus du lieu de la luette, l’espace entre les sourcils et l’ouverture vers l’espace : ce sont les endroits où le yogi médite.”

Le Viveka Martanda

Les yogis ancestraux appelaient également les chakras « adharas » ou « padmas ». Adhara signifie support (comme support pour la méditation), et padma signifie lotus. En effet, lors de la visualisation des chakras, les images de lotus sont courantes.

Les yogis visualisaient également des syllabes sanskrites écrites sur les pétales des lotus. Ils faisaient aussi apparaître des images de dieux et des symboles liés aux dieux et plaçaient mentalement dans les chakras des symboles et des mantras faisant référence aux éléments.

Idées contemporaines concernant les chakras

Au cours du XXe siècle, les Occidentaux intéressés par la spiritualité indienne ont superposé des idées sur les chakras tantriques qui n’étaient pas présentes dans les sources sanskrites. Ils ont eu tendance à présenter les créations mentales liées aux chakras comme une réalité métaphysique plutôt que des visualisations. De plus, ils les ont associés à des pierres précieuses, des couleurs arc-en-ciel, des émotions, des glandes endocrines, des planètes, des maux, et des anges chrétiens, entre autres.

De telles idées ont découlé, par exemple, du théosophe Charles Leadbeater, du psychologue Carl Gustav Jung, et plus tard des gourous du New Age comme Anodea Judith.

Les chakras et le système énergétique

À l’origine, les chakras dans le yoga étaient liés aux nadis, c’est-à-dire aux canaux d’énergie. Les chakras majeurs se trouvent le long d’un canal d’énergie crucial qui est situé dans la colonne vertébrale, le nadi Sushumna. Dans les textes sources du yoga, l’énergie vitale, ou prana, qui circule dans les nadis est liée à la respiration.

Lorsque vous pratiquez les postures de yoga, les pranayamas, et les méditations yogiques, vous devenez sensible à l’énergie subtile. C’est pourquoi j’ai voulu savoir comment les pratiquants avancés de ma tradition (la tradition Satyananda) ressentaient cette énergie, car cela pourrait donner des indices sur les chakras et leur existence.

J’ai ainsi mis en place une enquête et j’ai interrogé 76 yogis expérimentés de ma tradition à ce sujet. En moyenne, ces yogis avaient 18 ans d’expérience.

Symbole Anahata chakra
Ouvrage d’art moderne du chakra Vishuddhi, réalisé par l’une de mes élèves, Mona Bessaa.

Mes répondants ont déclaré avoir des sensations énergétiques à la fois dans la colonne vertébrale et à l’avant du torse. En outre, ils ont signalé avoir des sensations d’énergie dans les mains et dans les pieds. Ils ont décrit qu’ils ressentaient le prana comme des pulsations, de la chaleur, des vibrations, ou encore des sensations de flux et de lumière.

Les chakras correspondent à des endroits où mes répondants avaient tendance à ressentir de l’énergie. Par exemple, ils ont dit ressentir de l’énergie pétillante au niveau du périnée, le siège du chakra racine. Cependant, les yogis de mon enquête ne percevaient pas exclusivement l’énergie aux points que nous relions aux chakras. Ils ont dit également la ressentir ailleurs.

Vous voulez en savoir plus sur mon enquête sur le prana ? Lisez le rapport complet ici >>>

La moelle épinière semble avoir une importance particulière. De nombreux yogis de mon étude ont eu des expériences d’énergie isolée à la colonne vertébrale. Un professeur de yoga ayant 30 ans d’expérience a exprimé ses sensations de force vitale dans la colonne vertébrale de la manière suivante :

« Dans une forme extrême : comme si un câble électrique à haute tension était attaché à la base de la colonne vertébrale et un autre au sommet du crâne. Mais le plus souvent, c’est plutôt comme un mouvement ou une pulsation de picotement. »

Le rôle des chakras dans l’éveil de la kundalini

Une poussée d’énergie soudaine est appelée éveil de la kundalini. Les textes sources yogiques décrivent comment la déesse kundalini monte sous la forme d’un flux d’énergie le long de la colonne vertébrale. De telles expériences sont assez courantes chez les yogis. Parmi les répondants à mon enquête sur l’énergie, 57% avaient connu une montée de kundalini au moins une fois.

Les personnes qui ont eu des réveils énergétiques peuvent donner encore plus d’indices sur le fonctionnement du système énergétique subtil et sur les raisons pour lesquelles les anciens yogis se concentraient sur des endroits spécifiques du corps.

Voici quelques anecdotes.

Une de mes amies a ressenti une poussée d’énergie soudaine alors qu’elle méditait lors d’une retraite de yoga. L’énergie est montée du bas de sa colonne vertébrale jusqu’au cœur. L’élévation de la kundalini l’a amenée dans un état de conscience altéré qui a duré plusieurs mois. Pendant ce temps, son identité primaire s’est éloignée de son moi séparé vers la conscience universelle.

Un autre ami a eu une expérience profondément transformatrice qui a impliqué ce qu’il décrit comme une explosion d’énergie dans le cœur. Il est intéressant de noter que les Upanishads (textes sacrés hindous) décrivent comment les conduits praniques, les nadis, commencent dans le cœur et se propagent à partir de là.

Un autre professeur de yoga que je connais a vécu une montée de kundalini transformatrice lorsqu’il était jeune. Il pratiquait une posture de yoga en flexion vers l’avant lorsqu’il a soudainement senti de l’énergie jaillir dans sa colonne vertébrale. Le flux d’énergie s’est arrêté dans la région du ventre. Il dit qu’il est devenu hyper sensible après cette expérience et qu’il ressentait les états émotionnels et énergétiques des autres.

Enfin, un autre exemple d’expérience énergétique puissante est une femme qui m’a dit qu’un jour, elle avait un rapport sexuel lorsqu’une énergie s’est précipitée le long de sa colonne vertébrale et à travers sa tête. Elle avait l’impression de suivre le flux vers le haut et de sortir de son corps. Elle est arrivée à un endroit où elle a communiqué avec un être supérieur. L’expérience a été puissante mais déroutante.

Symbole de muladhara chakra.
Œuvre d’art moderne représentant le chakra Anahata et réalisée par Mona Bessaa.

Chakras et granthis

La mention de l’énergie qui monte et se termine à certains endroits, comme la région du cœur, est remarquable. Il existe un lien ici avec quelque chose que les yogis appellent « granthis ». Un granthi est un nœud qui bloque l’énergie.

Il existe trois nœuds de ce type. Le premier, Brahma granthi, est situé dans la zone du chakra racine. Le second est Vishnu granthi qui se trouve dans la région du chakra manipura, derrière le nombril. Le dernier, Rudra granthi, est au milieu de la tête, au niveau du chakra ajna

Les anecdotes ci-dessus soutiennent l’idée que les élévations d’énergie peuvent avoir des points d’extrémité. Peut-être que des expériences comme celles-ci sont à l’origine de la notion de granthis. Et peut-être qu’elles donnent aussi des indices sur l’emplacement des chakras.
Selon certaines écritures yogiques, le but du hatha yoga est d’amener la kundalini au chakra sahasrara, au sommet de la tête. Cependant, selon les anecdotes, les élévations de kundalini qui impliquent une énergie traversant le sommet de la tête ne sont pas nécessairement plus bénéfiques. Je pense que nous devons être humbles et reconnaître qu’il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. Nous ne devrions pas avoir une confiance aveugle dans les informations provenant de sources anciennes ; au lieu, considérons-les de manière critique mais avec ouverture d’esprit.

Chakras et médecine chinoise

La tradition du yoga n’est pas la seule à décrire une dimension d’énergie subtile. La médecine traditionnelle chinoise en est une autre. L’acupuncture est l’une des méthodes les plus utilisées de la médecine chinoise. C’est une méthode de guérison reconnue même en Occident. L’acupuncture agit sur les méridiens, des conduits pour le qi qui est un concept similaire à celui de prana.

La médecine traditionnelle chinoise est largement répandue en Chine et enseignée dans les universités. Une médecin chinoise que je connais est diplômée d’une université de premier plan à Wuhan (centre de la Chine). Je lui ai demandé si, selon la médecine chinoise, il existait des points de connexion où les méridiens interagissent. Je voulais savoir si de tels points correspondaient aux emplacements des chakras principaux.

Elle m’a expliqué que la médecine chinoise reconnaît de nombreuses interconnexions importantes entre les méridiens, les deux plus essentielles étant au sommet de la tête et derrière le cou. Ces deux points correspondent effectivement aux chakras sahasrara et vishuddhi.

Centres vibratoires dans la mythologie hopie

S’il existe quelque chose d’objectif et de solide derrière les chakras, on pourrait s’attendre à ce que cela soit connu dans le monde entier. Il se trouve qu’il existe des références dans d’autres traditions ancestrales qui présentent des similitudes frappantes. Le meilleur exemple est peut-être celui de la mythologie des Indiens Hopis. La mythologie hopie associe des qualités spirituelles à des emplacements spécifiques dans le corps, de manière similaire aux chakras.

Selon les Hopis, il existe des centres spirituels ou vibratoires le long d’un axe vertical dans le corps. Le premier se trouve au sommet de la tête, correspondant à la fontanelle. Selon eux, c’est là que l’âme entre dans le corps à la naissance et quitte le corps à la mort. À mesure que la fontanelle durcit, pensent-ils, nous perdons progressivement notre connexion naturelle à l’univers.

Le centre vibratoire suivant est à l’intérieur de la tête. Le troisième se trouve dans la gorge, et le quatrième est dans le cœur. Le dernier centre vibratoire se situe au niveau du plexus solaire. Ces points correspondent tous aux emplacements exacts associés aux chakras du système standard à sept chakras d’aujourd’hui.

Symboles des chakras - Ajna
Le chakra Muladhara tel qu’imaginé par l’artiste française Mona Bessaa, élève chez Yoga & Méditation Paris.

Expériences d’énergie en méditation profonde

Les pratiquants de yoga rapportent ressentir l’énergie subtile dans les endroits associés aux chakras. Cependant, les gens parlent également de sensations d’énergie ailleurs. Par exemple, dans mon étude sur l’énergie, les répondants ont signalé des sensations dans leurs mains.

Les yogis croient que le prana sous-tend la dimension physique, y compris à l’intérieur du corps. Ainsi, vous devriez pouvoir vous connecter au prana n’importe où. C’est simplement une question de focalisation. Si vous dirigez votre attention vers les chakras, ce que font souvent les yogis, vous ressentirez le prana à cet endroit. En revanche, si vous vous concentrez sur une autre partie du corps, vous pourriez également ressentir cette zone comme vivante et fluide.

Les méditants Vipassana vivent une expérience similaire pendant de longues retraites avec plus de 10 heures de conscience corporelle par jour. En scrutant leur corps en détail avec une attention ininterrompue pendant des heures, ils commencent à ressentir le prana (l’énergie vitale) qui le soutient.

Chakras et émotions

Aujourd’hui, les chakras sont fréquemment associés à différentes émotions. Ce n’est peut-être pas surprenant, car les gens ressentent les émotions dans le corps. Certains endroits du corps sont plus liés à des émotions spécifiques que d’autres. Le meilleur exemple est l’amour, que la plupart des gens associent au cœur. Et il se trouve que c’est l’emplacement du chakra anahata.

Dans une étude intéressante de 2013, des chercheurs ont exposé 701 personnes à des mots, des histoires, des films, et des expressions faciales chargés émotionnellement. Les scientifiques ont demandé aux participants d’indiquer les zones du corps où ils ressentaient une activité accrue en raison du contenu émotionnel. Dans le cas où ils ressentaient une activité diminuée dans d’autres zones, les participants pouvaient l’indiquer également.
Les chercheurs ont regroupé les résultats sous forme de cartes thermiques. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, ces cartes thermiques montrent que différentes émotions sont associées à différentes parties du corps. Les endroits où nous ressentons les émotions semblent également être liés aux zones des principaux chakras. Cependant, cette étude ne soutient en aucun cas l’idée que des émotions spécifiques sont liées à des chakras particuliers.

Visualisation de localisation des émotions dans le corps.
Le rouge et le jaune indiquent l’activation, tandis que le bleu et le bleu clair indiquent la désactivation.

Comme mentionné précédemment, les anciens yogis n’associaient pas les émotions à des chakras. Néanmoins, il est intéressant de considérer où nous ressentons les émotions dans le corps. Je crois qu’elles sont liées non seulement à notre corps physique, mais également à nos corps subtils et à nos pensées. Si les chakras sont réels, on pourrait s’attendre à ce qu’ils jouent également un rôle dans les émotions. Et cela nous amène à un autre sujet fascinant.

Chakras et koshas

Dans la philosophie védique, il existe cinq enveloppes que l’on appelle les koshas. On peut les considérer comme les couches d’un oignon. Vous pouvez également les imaginer comme des couches entrelacées de différentes densités.

La première enveloppe est la dimension physique. Elle est appelée l’enveloppe de la nourriture (annamaya kosha), la dimension où tout mange et peut être mangé.

Vient ensuite l’enveloppe de l’énergie vitale (pranamaya kosha), suivie de celle du mental ou de la pensée (manomaya kosha). Au-delà du mental, il existe une enveloppe d’intelligence intuitive encore plus subtile (vijnanamaya kosha). Et enfin, il y a la couche du bonheur pur (anandamaya kosha).

Les conduits d’énergie liés aux chakras appartiennent au domaine du pranamaya kosha. Cependant, de nombreux pratiquants de yoga considèrent les chakras comme des sens et des centres de communication dans le domaine psychique. Si tel est le cas, ils devraient être enracinés dans les koshas les plus profonds.

Plus les enveloppes sont subtiles, moins elles sont localisées et dépendantes du corps physique. Les mystiques décrivent le corps le plus subtil comme une sphère ovale autour du corps. Par conséquent, bien que les centres psychiques aient une certaine consistance, ils peuvent aussi être fluides et non locaux. Ainsi, attribuer des pouvoirs spirituels à des endroits précis du corps n’a pas vraiment de sens de toute façon.

La science confirme-t-elle l’existence des chakras ?

L’existence des chakras comme quelque chose de réel n’est pas confirmé par la science. Pas étonnant quand on sait que même les yogis qui les ont créés les considéraient comme des modèles imaginaires. 

Cependant, certains chercheurs individuels ont travaillé sur le sujet, comme le japonais Hiroshi Motoyama (1925-2015) par exemple. Par ailleurs, de nombreuses recherches ont été menées sur des phénomènes associés aux chakras, tels que les états modifiés de conscience, la télépathie, la clairvoyance, ou encore l’auto-guérison.

De nouveaux domaines scientifiques émergent. Des sujets qui étaient tabous il y a seulement quelques décennies sont désormais étudiés. Dans un même temps, la technologie devient de plus en plus raffinée. Je pense que c’est juste une question de temps avant que les scientifiques ne commencent à comprendre les mécanismes sous-jacents aux dimensions subtiles du corps humain.

Le jour où les scientifiques pourront cartographier nos corps énergétiques de façon rigoureuse, je pense qu’il deviendra clair pourquoi les emplacements des chakras ont été si cruciaux pour les yogis.

Points clés à retenir

  • Il n’y a pas qu’un seul système de chakras mais plusieurs.
  • Les chakras ne sont pas réels dans le sens où ils représentent une réalité subtile mais objective.
  • Les anciens yogis visualisaient les chakras pour déclencher des processus psychiques.
  • Il semble y avoir des fonctions énergétiques et psychiques liées aux zones où se trouvent certains chakras importants.

Remerciements :
Romain Di Pace, pour la relecture.

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Christian Möllenhoff professeur de yoga et e méditation
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Christian Möllenhoff

Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.