Le pranayama est-il dangereux ? – Une mise en perspective
Le Pranayama peut enrichir votre pratique du yoga de manière tangible. Pourtant, certains pratiquants de yoga en ont peur. Même les enseignants sont prudents en raison des risques perçus d’effets indésirables. Vous pouvez trouver sur internet des histoires d’horreur de pratiques qui ont mal tournées et qui vous feront vous demander si les exercices de respiration sont vraiment sûrs.
La vraie question est de savoir dans quelle mesure la méfiance provient de la peur et dans quelle mesure elle est légitime. Regardons cela de plus près.
J’ai pratiqué le pranayama de manière approfondie pendant vingt ans et l’ai enseigné à des milliers de personnes. Dans cet article, je vais expliquer tout ce que vous devez savoir sur les risques réels et imaginaires, ainsi que sur la manière de pratiquer de manière parfaitement sûre.
Des résultats catastrophiques avec le pranayama
Il ne fait aucun doute que travailler avec votre souffle peut entraîner des changements profonds sur votre état psychologique. Cela peut altérer votre perception, vos processus de pensée, et amplifier les sensations ainsi que les sentiments. Par conséquent, lorsque des doutes surgissent pendant le pranayama, ils sont généralement ressentis de manière accrue.
Avec les exercices de respiration, il est naturel que des doutes interviennent. Après tout, le souffle est une fonction vitale de soutien de la vie. Le restreindre avec des pratiques yogiques peut susciter de la peur, de l’anxiété, et même des attaques de panique si vous ne progressez pas de manière intelligente.
Dans certains cas, des personnes témoignent de pratiques respiratoires qui ont entraîné un véritable chaos dans leur vie. Certains affirment que le pranayama les a rendus fous. D’autres prétendent avoir éveillé prématurément l’énergie mystérieuse de la kundalini et être entrés dans un état dysfonctionnel avec leur subconscient grand ouvert.
Il existe un passage dans le Hatha Yoga Pradipika qui semble confirmer les inquiétudes de ceux qui hésitent à pratiquer le pranayama.
« Tout comme les lions, les tigres, et les éléphants sont progressivement domptés, de même le prana est contrôlé par la pratique. Sinon, le pratiquant est détruit. »
Hatha Yoga Pradipika 2:15
Il y a certainement suffisamment de raisons de s’inquiéter. Mais ces inquiétudes sont-elles justifiées ? Le pranayama est-il dangereux ?
Mettre les histoires d’horreur en perspective
Ayant enseigné le pranayama pendant vingt ans à bon nombre de pratiquants de yoga, j’ai constaté des résultats incontestables. Je n’ai jamais observé d’effets indésirables graves du pranayama chez les yogis qui suivent la méthode à laquelle j’adhère.
Je n’ai pas rencontré de problèmes particuliers avec les élèves qui pratiquent avec moi chaque semaine lors des cours en ville. Il n’y a eu aucun épisode dramatique non plus lors des retraites de yoga que je guide, même si les étudiants ont trois sessions de pranayama par jour. Le centre où j’ai reçu ma formation organise chaque année une retraite de trois mois avec du pranayama jusqu’à cinq fois par jour. Même avec une telle intensité de pratique, je n’ai jamais observé de problème chez les participants, comme des débordements psychiques incontrôlables par exemple.
J’ai de nombreux collègues professeurs de yoga qui enseignent le pranayama de manière approfondie. Je n’ai jamais entendu parler de l’un d’entre eux ayant à faire face à des étudiants souffrant d’effets indésirables graves. Sur la base de mon expérience et de celle de mon réseau, le pranayama enseigné correctement est sans risque.
Études scientifiques sur les effets indésirables du pranayama
Si le pranayama produisait des résultats négatifs, les scientifiques l’auraient remarqué. Lors de mes recherches pour cet article, j’ai consulté des catalogues scientifiques à la recherche de termes tels que « effets indésirables du pranayama », « effets secondaires du pranayama », « complications du pranayama », et similaires. Je n’ai trouvé aucun article scientifique contenant ces mots-clés de manière significative.
Dans une méta-analyse examinant 68 études scientifiques sur le pranayama (Avinash et al) publiée dans le Journal of Ayurveda and Integrative Medicine en 2019, il a été conclu que le pranayama a des effets positifs et qu’il est sûr lorsqu’il est pratiqué sous la supervision d’un instructeur qualifié.
Plusieurs études scientifiques ont été menées pour évaluer la sécurité du yoga en général (par exemple cette étude allemand de 2019 par Cramer et al). Ces études s’accordent sur le fait que les risques liés à la pratique du yoga sont faibles. Le pranayama ne se distingue pas particulièrement. En fait, les styles de yoga qui incorporent généralement le pranayama sont considérés comme les plus sûrs.
Apnéistes et rétention du souffle
Selon ceux qui considèrent le pranayama comme étant dangereux, la rétention du souffle est particulièrement risquée. Mais ce n’est pas seulement dans le yoga que les gens retiennent leur souffle. Les apnéistes le font aussi, et ils le font de manière intensive. Les apnéistes d’élite retiennent leur souffle pendant de nombreuses minutes, beaucoup plus longtemps que la plupart des étudiants en yoga n’oseraient même l’imaginer.
À ma connaissance, il n’y a aucune crainte de troubles psychologiques ou d’expériences spirituelles inexplicables liées à la rétention du souffle dans la communauté des apnéistes. Au contraire, les apnéistes témoignent que la plongée les aide à clarifier leur esprit de la même manière que la méditation. A savoir aussi, de nombreux apnéistes sont également adeptes du pranayama.
Que disent les anciens écrits yogiques à propos du pranayama ?
Dans les textes sanskrits médiévaux sur le yoga, le pranayama n’est pas la simple respiration abdominale prudente que certains styles modernes de yoga ajoutent à leurs séquences.
Au contraire, pour les yogis médiévaux, le pranayama est l’épine dorsale du yoga, conjointement avec la méditation. Pour eux, le pranayama est une pratique rigoureuse. Le yogi qui souhaite réussir avec le pranayama doit mobiliser toute sa volonté et retenir son souffle de toutes ses forces, même si cela entraîne des tremblements et de la transpiration.
Swatmarama, l’auteur du Hatha Yoga Pradipika, suggère que les yogis sérieux pratiquent le pranayama quatre fois par jour. Mais attention, c’est une pratique avancée et vous ne devriez le faire que si vous avez la formation et les connaissances adéquates.
Le pranayama est loué dans les textes source sanskrits. Les signes de succès sont un corps qui rayonne, un esprit calme, une santé parfaite, l’éveil du son intérieur (nada), et le développement de pouvoirs surnaturels.
Lisez mon article sur l’histoire du yoga pour mieux comprendre la place de pranayama.
N’y a-t-il aucun danger avec le pranayama ?
Ce que j’ai écrit jusqu’à présent suggère qu’il n’y a pas de danger avec les exercices de respiration. Tant que vous les pratiquez correctement, je pense effectivement qu’il n’y a pas de problème.
Cependant, cela ne signifie pas qu’une pratique intense ne peut pas entraîner des effets qui peuvent être difficiles à gérer si vous n’avez pas de formation ou n’êtes pas accompagné. Les expériences intenses et peu familières peuvent être effrayantes. Mais très souvent, c’est justement la peur qui pose problème plutôt que l’expérience en elle-même.
Pourquoi certains enseignants sont-ils sceptiques à propos du pranayama ?
La raison pour laquelle de nombreux professeurs de yoga craignent le pranayama est que la plupart des styles de yoga modernes sont axés sur les postures. Peu de professeurs actuels sont compétents en pranayama. Ils ne connaissent pas le pranayama par leur propre expérience, et ce qu’on ne connaît pas, on le craint. De plus, la plupart des traditions modernes ont peu d’expérience dans l’enseignement du pranayama et ne possèdent pas l’approche pédagogique nécessaire.
Évitez les effets indésirables du pranayama – 11 conseils
Bien que le pranayama soit sans danger si vous le faites correctement, vous pouvez obtenir des effets indésirables si vous le faites mal ou si vous le poussez à l’extrême. Dans la section suivante, je vais décrire les erreurs possibles et comment les éviter.
1. Ne pas en faire trop
La bonne dose différencie un poison d’un remède. Cela s’applique également aux exercices de respiration. Ne pensez pas que plus vous en faites, mieux c’est. Respectez les recommandations de votre professeur ou de la méthode que vous suivez.
À titre d’anecdote, j’ai lu un article de blog écrit par un professeur qui demandait à ses étudiants d’effectuer certains pranayamas pendant cinq à dix minutes. L’un des étudiants est rentré chez lui et a fait l’exercice pendant une heure. Selon le professeur, la personne est tombée si malade qu’elle a dû consulter un médecin.
3. Progresser lentement et pratiquer régulièrement
La pratique régulière est cruciale pour de bons résultats avec les exercices de respiration yogique. Et progresser graduellement sur des mois et des années est essentiel. Une pratique irrégulière rend le pranayama inconfortable et superficiel, avec des résultats qui peuvent être négatifs.
Pour les raisons mentionnées ci-dessus, je suis sceptique quant aux ateliers de pranayama. Pour un centre de yoga qui enseigne principalement le yoga postural, il est tentant d’organiser occasionnellement des immersions en pranayama. Mais une immersion soudaine n’est pas une manière appropriée de pratiquer le pranayama. Lors de mes recherches pour cet article, j’ai trouvé un cas de pranayama qui avait mal tourné et c’était justement lors d’un atelier.
4. Pratiquez une respiration rapide prolongée uniquement sous la guidance d’un expert
Dans ma tradition, la tradition Satyananda, nous n’insistons pas sur la respiration rapide. Mais je sais que certaines écoles le font, c’est pourquoi je souhaite lui accorder une attention particulière.
Les respirations rapides et profondes peuvent altérer considérablement votre état de conscience si elles sont maintenues pendant un certain temps. Stanislav Grof est un célèbre psychologue et chercheur spécialisé dans le médicament psychoactif LSD. Il a découvert que la respiration rapide prolongée, qu’il appelle respiration holotropique, pouvait provoquer des effets similaires à ceux du LSD.
J’ai essayé la respiration holotropique ainsi qu’une pratique soufie similaire et j’ai constaté qu’elles avaient de réels effets. Cependant, les mécanismes activés par ces pratiques ne sont pas ceux avec lesquels nous travaillons dans le yoga.
Une hyperventilation prolongée peut avoir des effets effrayants si elle est utilisée sans guidance et cadre approprié. Une fois, j’ai été témoin d’une jeune femme en pleurs qui, sans le vouloir, s’était plongée dans un état altéré de conscience en respirant de manière rythmique et profonde. Elle a perdu le contrôle de ses muscles et a eu des spasmes et des picotements dans les doigts. J’ai appelé le numéro d’urgence pour obtenir des conseils médicaux. Ils ont envoyé une ambulance car ils pensaient que les symptômes pouvaient être dus à une blessure au cou.
À leur arrivée, le personnel expérimenté de l’ambulance a immédiatement compris ce qui se passait. À ce moment-là, la jeune femme pleurait profondément depuis presque une heure. Les ambulanciers lui ont simplement demandé de respirer naturellement et les symptômes ont disparu en une minute.
Cette situation s’est bien terminée mais a été embarrassante pour la jeune femme en question. Maintenant, imaginez si cela s’était produit dans le contexte d’une pratique de yoga mal guidée. Je peux facilement imaginer comment cela aurait pu dégénérer en peur d’un éveil prématuré de la kundalini.
5. Évitez l’hyperventilation lors de bhastrika pranayama
Lorsque vous pratiquez régulièrement les exercices de respiration dans un cours de yoga, l’hyperventilation ne devrait pas être un problème. Cependant, si vous ne les faites pas correctement, cela pourrait se produire. Prenons le cas du pranayama bhastrika par exemple.
Pour bhastrika, vous devez respirer de manière vigoureuse et rapide plusieurs fois de suite, puis retenir votre souffle pendant un bon moment. La respiration rapide initiale facilite la rétention du souffle. Je recommande aux débutants de commencer par 20 respirations avec un rythme idéal de 100 à 120 respirations par minute (bien que cela puisse être difficile quand on débute). Pour les pratiquants avancés, je recommande de faire jusqu’à 100 souffles.
Si vous faites trop de respirations ou si votre rythme est trop lent, vous pourriez hyperventiler. Si vous respirez à un rythme de moins de 60 respirations par minute, vous pourriez avoir quelques soucis. Avec 20 souffles, peu ou aucun effet ne sera perceptible. Mais si vous continuez plus longtemps, vous pourriez avoir une mauvaise surprise.
6. Calmez-vous avant et accordez-vous du temps après
Prenez le temps d’être dans le bon état d’esprit avant d’entamer le pranayama. La meilleure façon de faire cela est de pratiquer des postures de yoga. À moins d’être déjà relativement détendu pendant le pranayama, celui-ci sera superficiel et inconfortable. De plus, les effets seront plus difficiles à intégrer. Une demi-heure à une heure de pratique des asanas est un échauffement parfait. C’est ce que nous faisons lors de nos cours chez Yoga & Méditation Paris.
Pour une pratique sûre, vous aurez également besoin de temps après le pranayama pour laisser les effets se stabiliser. Restez assis, immobile et calme, les yeux fermés, pendant au moins cinq à dix minutes après. Mieux encore, continuez avec de la méditation. Jusqu’à ce que les effets de la pratique se soient stabilisés, vous pouvez être dans un état de conscience légèrement altéré.
Notez bien ; cela signifie également que vous devrez attendre avant de conduire. Laissez au moins dix minutes après le pranayama avant de vous mettre au volant. J’ai failli causer un accident en ne respectant pas cette précaution.
Si vous sautez régulièrement le temps calme après le pranayama et que vous vous précipitez ensuite dans une activité, des effets indésirables peuvent survenir, tels que de la nervosité et de l’agitation.
7. Équilibrez la pratique intense du pranayama avec de l’activité
La pratique intense du pranayama affinera votre perception, vous fera ressentir les émotions de manière plus distincte, et adoucira les frontières entre le conscient et le subconscient. Elle vous donnera également une énergie mentale supplémentaire qui intensifiera vos schémas de pensée. Si vous pouvez accepter le contenu de votre esprit, tout ira bien. Mais si vous luttez contre vos pensées, cela pourrait être assez inconfortable.
Heureusement, il existe un moyen d’harmoniser facilement l’excès d’énergie. Ce dont vous avez besoin, c’est d’activité. Les activités ordinaires sont parfaites. Aller au travail, prendre soin de votre jardin, ou gérer un foyer sont autant d’exemples d’activités qui harmoniseront votre énergie. Dans la tradition du yoga, nous appelons cela le karma yoga. Il s’agit de transformer les actions quotidiennes en pratique spirituelle en les accomplissant de manière intentionnelle et désintéressée. Pendant les retraites de yoga avec une pratique intense du pranayama, le karma yoga est crucial.
8. Apprenez à méditer avant d’apprendre le pranayama
J’ai déjà mentionné que le pranayama pouvait vous rendre plus conscient du contenu de votre esprit. C’est pourquoi il peut être judicieux de le combiner avec de la méditation. La méditation vous entraîne à l’équanimité (détachement), ce qui est essentiel si vous travaillez avec des méthodes qui élargissent votre conscience.
9. Évitez l’effort excessif
Faire trop d’effort pendant le pranayama est une autre erreur. Lorsque vous retenez le souffle ou le ralentissez, vous allez rencontrer une résistance. C’est complètement normal, mais vous devez ajuster ce niveau de résistance. Visez à être capable de faire face à la résistance sans tension physique. Cela peut sembler paradoxal, mais la résistance et l’inconfort sont acceptables tant que vous pouvez poursuivre votre pratique de manière détendue.
10 . Adaptez continuellement votre pratique
Le pranayama devrait vous apporter des résultats positifs. Si les effets deviennent trop intenses et trop difficiles à gérer, vous devez ajuster votre pratique. Vous pouvez alors utilisez l’une de ces trois approches que j’ai déjà discutées ou une combinaison des trois :
- Soyez plus actif dans la vie quotidienne.
- Réduisez l’intensité de votre pratique.
- Augmentez votre capacité à tolérer le contenu de votre esprit en pratiquant la méditation (Antar Mauna, Vipassana, Mindfulness, ou quelque chose de similaire).
11. Évitez le pranayama si vous souffrez d’une maladie psychologique grave
La plupart des gens peuvent bénéficier du pranayama s’ils l’abordent de la bonne manière et progressent graduellement. Cependant, si vous souffrez d’un trouble psychologique grave, comme la schizophrénie par exemple, le pranayama n’est pas fait pour vous.
Pratiquez le pranayama en toute sécurité avec Yoga & Méditation Paris
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Si vous souhaitez être accompagné de près dans votre pratique du pranayama, nous proposons également un service de coaching.
A retenir
- Une pratique correcte et progressive du pranayama peut apporter des bénéfices tangibles à votre bien-être physique et mental.
- Des recherches scientifiques montrent que le pranayama est en général sans risques lorsqu’il est pratiqué avec un accompagnement et une progression adaptés.
- Pour une pratique favorable, respectez les consignes de sécurité.
- Apprenez le pranayama avec un instructeur qualifié.
Remerciements :
Romain Di Pace, pour la relecture.
Rencontrez votre auteur
Christian Möllenhoff
Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.