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Pratiquez les pranayamas après les asanas

Pratiquer les asanas d'abord et les pranayamas après


Cela me surprend toujours de croiser des professeurs de yoga qui enseignent les pranayamas avant les postures. Les pratiquer après les postures n’est pourtant pas anodin. Il y a plusieurs bonnes raisons à cela. Correctement effectués et au moment opportun, les pranayama nous permettent d’atteindre des nouvelles dimensions dans notre pratique du yoga. Souhaiteriez-vous vous priver d’une telle progression à cause d’un positionnement inadéquat ? Quelques explications s’imposent.

Qu’est-ce qu’un pranayama?

Avant d’aborder la question du positionnement des pranayama, il me faut d’abord clarifier certains points. Lorsque j’utilise le terme « pranayama », je fais référence aux techniques respiratoires traditionnelles du hatha yoga: nadi shodhan, bhastrika, surya bheda, bhramari, shitali, murcha, ujjayi pranayama et quelques autres encore.

Ces techniques doivent être effectuées dans une posture de méditation. Si ce n’est pas le cas, il ne s’agit alors pas à mon sens de pranayama, notamment si l’exercice comprend des mouvements vigoureux.

Aujourd’hui, différentes techniques respiratoires légères sont qualifiées de pranayama par des professeurs peu scrupuleux. Certains d’entre eux assimilent même quelques cycles de respirations profondes à des pranayama. Cependant, dans le hatha yoga, les pranayama sont des techniques rigoureuses qui comprennent des rétentions longues et des respirations très lentes.

Les yogis ancestraux accordaient une grande importance aux pranayama

La pratique des pranayama est beaucoup plus ancienne que celle des exercices physiques constitutifs du yoga postural moderne. Dans les textes sanskrits ancestraux sur le hatha yoga, l’“asana” ou « siège » était initialement la posture dans laquelle le yogi était assis pour pratiquer les techniques de respiration et la méditation. Beaucoup de postures du yoga physique contemporain ont à peine 100 ans.

Dans les temps immémoriaux, le pranayama était déjà considéré comme une pratique complexe qui s’apparentait même pour certains à une sorte d’ascèse. Le rôle prédominant du pranayama et des rétentions du souffle est largement démontré dans les anciens textes sanskrits traitant du hatha yoga.

Les traditions ancestrales placent les pranayama après les asana

À ma connaissance, toutes les anciennes traditions de yoga placent les pranayama après les postures. Il s’agit là d’un choix tout à fait logique. La pratique doit être évolutive: on passe d’un travail sur le corps grossier à un travail sur le corps subtil.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il est nécessaire de perfectionner le yoga physique avant d’entamer les pranayama. Mais lorsqu’on propose un cours de yoga combinant différentes techniques, il est préférable de commencer par les postures. Une pratique influence toujours la pratique qui suit. Puisque les pranayama agissent sur un plan plus profond, ils devraient en toute logique être effectués à la suite du programme postural.

Lorsque des techniques de purifications telles que le neti sont intégrées dans une séance, elles doivent également être considérées comme un travail préparatoire aux pratiques ultérieures plus subtiles.

Le pranayama est difficile mais peut être facilité grâce aux asana

Il faut des années pour pleinement maîtriser les pranayama mais quand ils sont correctement effectués, même les débutants peuvent en tirer des bénéfices considérables. C’est pourquoi il est important de recevoir les instructions d’un guide qualifié qui sait créer les conditions nécessaires à une pratique optimale.

Les rétentions suggérées par certains des manuels médiévaux du hatha yoga sont impressionnantes. Pour démarrer le voyage d’apprivoisement du souffle, vous devez vous assurer d’être dans le bon état d’esprit. Une pratique calme et consciente des postures de yoga favorise la survenue de cet état.

Se calmer avant les pranayama

La respiration reflète notre état. Lorsque nous sommes agités, notre respiration est rapide et irrégulière. Mais une fois détendus, elle devient profonde, lente et continue. Avec l’aide des asana, il nous est possible d’accéder à un réel état de détente avant d’entamer les pranayama. Les scientifiques appellent ce processus d’apaisement la réponse de relaxation.

La réponse de relaxation active le système nerveux parasympathique, ce qui entraîne un ralentissement de l’activité électrique du cerveau et du métabolisme ainsi qu’une diminution du rythme cardiaque. Le taux d’hormones du stress baisse et la tension musculaire diminue.

Lorsque vous êtes détendu, vous consommez moins d’oxygène. En état méditatif votre cerveau en consomme également moins. Par conséquent, il est plus facile de retenir le souffle une fois le corps dénoué de ses tensions et le mental apaisé. C’est pourquoi les apnéistes prennent le temps de se détendre à la surface avant de plonger.

Établir la concentration d’abord

Les pranayama, particulièrement nadi shodana pranayama, peuvent être considérés comme une méditation avec retour instantané dès qu’une pensée inconsciente surgit. Lors d’une méditation normale, votre attention peut commencer à se ballader sans que vous vous en rendiez compte. Pas pendant la respiration alternée.

Lorsque vous respirez à la limite extrême de votre capacité, une seule pensée inconsciente peut suffire à vous faire perdre l’équilibre.
Quand la rétention du souffle commence à devenir inconfortable, vous ne devez pas vous laisser séduire par les idées et sensations qui émergent. Vous devez rester inaffecté. Autrement, vous commencez à lutter et lorsque vous luttez vous consommez plus d’oxygène, la rétention devient alors encore plus difficile.

La pratique lente de postures est une très bonne façon de parvenir à un état de calme et de concentration. Cela fonctionne aussi avec des postures dynamiques mais il est nécessaire, dans ce cas là, de pratiquer quelques postures de relaxation à la fin de la séquence avant de commencer les exercices respiratoires.

Le temps – allié indispensable de la digestion

Pour pratiquer confortablement les asanas, mieux vaut que la digestion soit terminée. Et avant la pratique des pranayama, il est crucial qu’elle le soit !

Dans les textes sur le hatha yoga, il est conseillé au yogi de maîtriser ses habitudes alimentaires pour favoriser le pranayama. Il n’est toutefois pas nécessaire de lire ces textes pour le savoir. Quiconque a essayé de respirer lentement sans avoir au préalable bien digéré le comprend.

Le problème de la digestion justifie donc lui aussi le placement des pranayama après les postures. Idéalement il faudrait attendre quatre heures après le dernier repas avant de pratiquer le pranayama. Une bonne session d’asana offre un surplus de temps pour digérer. Effectuer les postures lentement accélère qui plus est le processus digestif. Bénéficier de ce temps supplémentaire peut donc faire toute la différence.

Pranayama avant asana: peu de bénéfices

Si les pranayama avaient un impact positif sur les postures, les pratiquer avant serait justifié. Ce n’est pas le cas. De plus, des techniques respiratoires légères constituant d’excellents préludes à la pratique de postures existent déjà: la respiration de vagues (variante simplifiée de l’automassage abdominal nauli) et la respiration complète (respiration abdominale profonde) par exemple.

Il s’agit cependant de rétentions légères. Les pranayama véritables influencent l’énergie de manière palpable et vous mettent dans un état énergétique subtil. Après les avoir pratiqués, un moment d’immobilité et de calme est nécessaire pour intégrer leurs effets. Plus la pratique des pranayama est avancée, plus il est important de consacrer du temps à ce moment.

C’est un instant propice à la méditation. Il y a donc tout intérêt à continuer de méditer lorsque les effets se stabilisent. Juste comme on utilise du papier de verre de plus en plus fin pour polir un morceau de bois.

Pourquoi certains professeurs placent les pranayama avant les asana

Malgré toutes ces bonnes raisons, comment se fait-il que certains professeurs insistent pour placer les pranayama avant les asana ?

Une des raisons est qu’il y a confusion sur ce qu’est véritablement le pranayama. Certains professeurs pensent faire pratiquer des pranayama à leurs élèves lorsqu’ils guident les respirations profondes qui initient leurs séances. Il n’en est rien, il ne s’agit là que de techniques respiratoires légères, pas de pranayama. La même confusion existe avec la respiration debout qui se pratique avant une séance de yoga Bikram.

La respiration profonde a sa place et peut être bénéfique. Je n’ai rien contre et l’utilise moi-même comme échauffement. Mais je ne la considère pas comme un pranayama. Je trouve qu’il est bien d’appeler un chat un chat, pour justement éviter la confusion.

Mais il y a aussi des professeurs qui placent les véritables pranayamas en début de séance. C’était le cas du professeur Swami Vishnudevananda, célèbre dans le monde entier. Il était un disciple de Swami Sivananda et le fondateur d’un mouvement international portant le nom de son maître. Vishnudevananda a insisté pour que nadi shodana soit guidé en début de séance. De manière mécanique et superficielle, les professeurs comptent à voix haute le rythme pour les élèves.

Il est vraiment dommage d’enseigner nadi shodana de cette manière là je trouve. Pendant des années, je me suis demandé pourquoi. Puis j’ai entendu une explication qui semble probable, même si elle parait bête: lorsque Vishnudevananda a commencé à enseigner au Canada, les élèves quittaient souvent son cours avant la fin; il aurait alors décidé de placer les pranayama en début de séance pour être sur qu’ils puissent bénéficier des techniques les plus importantes.

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Remerciements :
Élisabeth De Araujo, pour la relecture.

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Christian Möllenhoff professeur de yoga et e méditation
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Christian Möllenhoff

Professeur de yoga et de méditation et formateur d’enseignants. Reconnu pour sa pédagogie des plus rigoureuses, Christian est le professeur principal de l’école Yoga & Méditation Paris et le créateur du site Forceful Tranquility.